La résilience n’est pas donnée par le passé, elle se construit collectivement

Les entreprises familiales sont souvent perçues comme stables grâce à leur héritage, mais aussi vulnérables face aux crises à cause de leur inertie. Alors, comment transformer cet héritage en levier d’adaptation et d’innovation ?

Bonne nouvelle, il existe des leviers pour transformer cet héritage en moteur de résilience et d’innovation.

Dans une recherche présentée en conférence académique « L’entreprise familiale : Modèle organisationnel dans un contexte de crises et de transition? », nous avons montré que les dispositifs participatifs essentiellement la méthode et les outils de Circulab (Circular Canvas, Business Resilience Game…) permettent , entre autres, aux dirigeants de réinterroger leur raison d’être, transformer les contraintes en opportunités et anticiper les crises tout en renforçant la cohésion interne.


Entre inertie et adaptation : un paradoxe bien connu
des entreprises familiales

Les entreprises familiales représentent la forme organisationnelle dominante à l’échelle mondiale. Leur réputation de longévité repose sur des atouts bien documentés, la continuité des générations, l’engagement affectif et patrimonial des membres de la famille, ainsi qu’une densité de capital social et de confiance qui favorise la stabilité des relations internes et externes 1. Ces dimensions alimentent une vision stratégique tournée vers le long terme et renforcent leur résilience face aux turbulences conjoncturelles.

Cependant, la littérature scientifique souligne que ces mêmes caractéristiques peuvent se transformer en freins à l’adaptation. Plusieurs études mettent en évidence :

  • une inertie stratégique liée à l’attachement à l’héritage et au modèle existant3,
  • une aversion au risque alimentée par la volonté de préserver le patrimoine socio-émotionnel (Socio-Emotional Wealth – SEW) plutôt que de le mettre en danger par des choix disruptifs2,
  • une forte dépendance au dirigeant ou à la génération dominante, ce qui peut engendrer une centralisation excessive et ralentir les processus de décision4.

Ainsi, les entreprises familiales illustrent un paradoxe de la résilience, les ressources qui garantissent leur pérennité – continuité, cohésion, identité – peuvent également limiter leur capacité d’innovation et d’adaptation5.

Ce paradoxe est particulièrement saillant dans un environnement marqué par des crises systémiques – qu’elles soient écologiques (crise climatique, raréfaction des ressources), sociales (évolutions des attentes sociétales, tensions intergénérationnelles), ou économiques et géopolitiques (ruptures logistiques, inflation énergétique). Dans ce contexte, les entreprises familiales ne peuvent plus se contenter d’une logique de préservation de l’héritage ; elles doivent apprendre à transformer leur identité en ressource dynamique, capable de soutenir une adaptation rapide et proactive6.

C’est précisément dans cet entre-deux que se situent les dispositifs participatifs. La littérature sur la pensée systémique et la réflexivité organisationnelle7 suggère que des démarches collectives, interactives et visuelles – telles que les ateliers collaboratifs, les canvas stratégiques ou les serious games peuvent aider les organisations à dépasser l’inertie. Ces outils jouent le rôle d’objets-frontières8, c’est-à-dire de supports concrets qui facilitent le dialogue entre des acteurs aux intérêts et aux générations différents.

En mobilisant ces dispositifs, les entreprises familiales ouvrent la possibilité de réinterpréter leur raison d’être collectivement, de relier l’héritage du passé à une vision de l’avenir, et ainsi de transformer une identité parfois figée en une boussole stratégique vivante.

Une recherche de terrain : le cas d’une ETI familiale

Pour explorer cette question, nous avons étudié une ETI familiale , leader de son secteur, confrontée à de fortes pressions environnementales et réglementaires.

Avec les outils de la méthode Circulab, l’entreprise a déployé des dispositifs participatifs : ateliers Circular Canvas, Business Resilience Game. L’objectif était de réinterroger sa raison d’être et construire une vision partagée de ses vulnérabilités et opportunités.

Trois résultats principaux :

La conscientisation systémique

  • Les dispositifs participatifs ont permis de sortir du quotidien opérationnel pour prendre du recul.
  • Le Circular Canvas a aidé à visualiser les interdépendances (ressources naturelles, énergie, partenaires, logistique).
  • Passage observé : d’une logique de conformité réglementaire à une logique d’anticipation stratégique.


L’engagement collectif autour de la raison d’être

  • Les ateliers et le Business Resilience Game ont servi de catalyseurs de débat.
  • La raison d’être a été réactualisée collectivement, passant d’un héritage figé à une boussole vivante, fédératrice en période de crise.
  • Les jeunes générations ont trouvé de nouveaux espaces d’expression, permettant une transmission élargie, non seulement du capital, mais aussi des valeurs et de la vision.

Des tensions et limites persistantes

  • Difficulté d’institutionnalisation, ces démarches restent fragiles si elles ne sont pas intégrées dans la gouvernance.
  • Centralité du dirigeant, qui demeure le médiateur entre héritage et innovation.


Entre héritage et participation

L’étude met en lumière une complémentarité fragile :

  • L’héritage familial offre légitimité, profondeur historique et continuité.
  • La participation collective apporte ouverture, innovation, confrontation de perspectives.

Mais si l’héritage domine, le risque est l’inertie. Si la participation est trop symbolique, le risque est la frustration et le désenchantement.

La clé réside dans une gouvernance capable d’articuler ces deux dimensions, en donnant un rôle actif aux dispositifs participatifs.


Contributions et enseignements pratiques

Pour les praticiens et dirigeants d’entreprises familiales, trois enseignements majeurs ressortent :

  1. Actualiser la raison d’être par co-construction : la raison d’être ne doit pas rester figée; elle peut devenir une boussole vivante si elle est réinterprétée collectivement.
  2. Créer des espaces de dialogue intergénérationnel : ces dispositifs permettent aux jeunes générations de contribuer à la stratégie, favorisant une transmission élargie.
  3. Transformer les contraintes en opportunités stratégiques : réglementations, bilans carbone et autres obligations peuvent devenir des outils d’innovation et d’anticipation.


Pour conclure


La résilience des entreprises familiales ne réside pas uniquement dans la force de leur héritage. Elle dépend de leur capacité à le réinterpréter collectivement et à l’inscrire dans des démarches participatives intégrées à la gouvernance.

Notes :

  1. Miller & Le Breton-Miller, 2005 ↩︎
  2. Zahra et al., 2004 ↩︎
  3. Gómez-Mejía et al., 2007 ↩︎
  4. De Massis et al., 2016 ↩︎
  5. Mihotić et al., 2023 ↩︎
  6. Calabrò et al., 2021 ↩︎
  7. Morin, 2005 ↩︎
  8. Star & Griesemer, 1989 ↩︎

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