Et si l’énergie venait à manquer demain

Auteure : Joanna Henderson, directrice et fondatrice de Blue Dot, experte en transition énergétique et membre de Circulab community.

Pourquoi le consumérisme tel que nous le connaissons doit cesser ?

Il y a quelques années encore, nous pensions que nous pourrions toujours acheter plus et mieux. Nous avons été aveuglés par des publicités qui nous vendre du bonheur en échange de notre carte de crédit. Mais derrière la musique envoûtante et les sourires rassurants des panneaux publicitaires, un murmure se fait de plus en plus entendre : celui de la finitude des ressources.

Les études sont claires : nous consommons plus que ce que la Planète peut produire et supporter. La crise énergétique actuelle met en lumière la fragilité d’un modèle déjà affaibli par les pénuries de matières premières, la rupture des chaînes d’approvisionnement et l’effondrement des écosystèmes naturels.

L’énergie fossile bon marché et abondante est le moteur de notre machine économique. C’est cette énergie qui nous permet de fabriquer nos produits et de les jeter quelques mois plus tard.Mais alors, la crise énergétique serait-elle la fin d’une époque ? Serons-nous sauvés pas les alternatives aux combustibles fossiles ?

Pouvons-nous passer aux énergies renouvelables ?

Il est très tentant de penser que oui. J’étais la première à le penser. Pendant la majeur partie de ma carrière dans le secteur des énergies renouvelables (20 ans) j’ai cru que c’était possible. Il y a vingt ans, ça aurait même pu être vrai. Mais maintenant je sais que pendant que nous développons les énergies renouvelables notre utilisation des combustibles fossiles de cesse d’augmenter.

consommation globale d'énergie primaire par source

En 2021, nous avons consommé dans le monde plus de charbon et de gaz qu’avant la pandémie COVID 19. Les projets d’énergies renouvelables sont omniprésents dans les discours politiques, dans la presse et dans les campagnes de marketing. Pourtant, au cours des vingt dernières années, les énergies renouvelables n’ont même pas permis de répondre à la demande mondiale supplémentaire en énergie. Source : Notre monde en données

Nous savons que les énergies renouvelables font partie de la solution pour faire face à la crise énergétique. Elles peuvent nous fournir une énergie locale, à faible teneur en carbone et, dans certains cas, à faible coût. Alors pourquoi ne les utilisons-nous pas davantage ?

Les technologies d’énergie renouvelable n’ont pas un impact nul. Chaque choix technologique s’accompagne d’impacts majeurs : l’utilisation des sols, l’impact visuel ou la consommation de métaux rares. La disponibilité du "combustible", qu’il s’agisse de la lumière du soleil, du vent, de l’eau, de la chaleur souterraine ou de la biomasse, dépend des caractéristiques d’une région, de sa topographie, de ses ressources naturelles et de la disponibilité des matériaux.

Une fois que l’on a ces contraintes en tête, on se rend compte qu’il y a très peu de territoires capables de maintenir leur niveau de consommation énergétique actuel à court ou moyen terme en utilisant des énergies renouvelables. Nous manquons de ressources naturelles, d’expertise, de temps et d’argent.

Les énergies renouvelables sont essentielles pour l’approvisionnement énergétique futur, mais elles posent de nombreux problèmes.

éoliennes

énergie éolienne

L’énergie éolienne nécessite des vitesses de vent minimales et la production d’énergie est intermittente, c’est à dire incapable de produire de manière constante de l’électricité, et imprévisible. La fabrication des turbines nécessite des infrastructures spéciales et utilise très souvent des matériaux rares. Il n’existe pas encore d’option viable de recyclage pour les pales d’éoliennes. Les parcs éoliens bénéficient rarement d’un soutien unanime de la part des riverains.

Comme l’énergie éolienne, l’énergie solaire dépend des conditions climatiques et sa production est intermittente. Les "fermes solaires" nécessitent des surfaces très importantes et les options de stockage de l’énergie pour assurer un approvisionnement en continu ont elles aussi des limites environnementales, économiques et techniques.

biocarburants

hydroénergie

Les biocarburants sont encore issus pour la majorité de produits alimentaires, cultivés uniquement pour ça. Environ 40 % du maïs cultivé en Amérique est utilisé pour fabriquer du bioéthanol. Selon la culture, le type de terre utilisée et le transport nécessaire, lesémissions de CO2peuvent varier considérablement. Les technologies alternatives utilisant des cultures non alimentaires ne sont pas encore au point.

L’hydroélectricité est aussi très dépendante de l’environnement, que ce soit des précipitations ou de la topographie. Si les petites installations ont un impact environnemental relativement faible l’impact environnemental et social des grands projets d’infrastructure est considérable. Il y a d’ailleurs déjà eu des accidents catastrophiques dus à des ruptures de barrage.

Qu’en est-il des autres sources d’énergie à faible teneur en carbone ?

Les études d’analyse du cycle de vie montrent que l’énergie nucléaire est comparable aux technologies d’énergie renouvelable en termes d’émissions de CO2. L’expérience, notamment en France, montre qu’elle peut être une source d’énergie économique et relativement fiable, ce qui permet d’obtenir un bouquet énergétique à faible teneur en carbone. Mais là encore, nous rencontrons des difficultés. Les centrales nucléaires nécessitent d’énormes investissements initiaux et leur construction prend entre 8 et 30 ans. Les risques liés aux catastrophes nucléaires sont évidents et il y a l’épineuse question de la gestion des déchets.

En ce qui concerne l’énergie nucléaire, notre inaction au cours des dernières décennies nous a privés du luxe d’une question simple : "nucléaire ou pas nucléaire?". Le contexte allemand montre clairement que le débat sur l’énergie nucléaire est devenu une délibération sur la gestion des risques. Considérons-nous que les risques de l’énergie nucléaire sont plus élevés pour nous et pour la planète que les risques des centrales à combustibles fossiles qui émettent entre 80 et 200 fois plus deCO2 par unité d’énergie ?

Le captage et le stockage du carbone (CSC) est une autre technologie offrant une énergie à faible teneur en carbone. La proposition est séduisante. LeCO2 libérépar les combustibles fossiles que nous extrayons est capté, comprimé et réinjecté dans des réservoirs souterrains. LeCO2 peutêtre capté à partir de sources concentrées telles que les cimenteries ou les centrales électriques au charbon, ou à partir de l’atmosphère. Cette technologie a été testée à l’échelle et constitue une solution évidente pour les industries qui produisent des niveaux élevés d’émissions concentrées deCO2, comme les cimenteries et les centrales électriques au charbon. Le développement est toutefois entravé par la nécessité d’investissements importants, de longs délais, d’un soutien politique stable, de l’approbation du public et de caractéristiques géologiques spécifiques.

Lorsque nous pesons le pour et le contre des alternatives aux énergies fossiles, nous ne devons pas perdre de vue la raison pour laquelle nous sommes devenus si dépendants d’elles. Les hydrocarbures sont une fabuleuse source d’énergie. Avec seulement un litre d’essence, nous pouvons faire rouler une voiture sur 20 km. Cependant, à un moment donné, nous, ingénieurs et scientifiques, devons accepter que nous n’avons rien qui puisse égaler ce litre d’essence en terme de potentiel énergétique, d’accessibilité et de facilité d’utilisation.

Les potentielles alternatives à (plus) faible émissions carbones sont nombreuses; elles inclues celles mentionnées ci-dessus et de nombreuses autres comme le biogaz, les algues, l’énergie des vagues ou l’hydrogène comme vecteur énergétique. Ces technologies sont une part importante de la solution à notre problème énergétique et il est donc important d’en soutenir un déploiement rapide et à grande échelle. Toutefois, cela ne suffit pas. Nous devons également accepter qu’en parallèle il faut repenser notre consommation énergétique. Si nous pouvions nous permettre de consommer beaucoup grâce au rendement des ressources fossiles, ce n’est plus le cas avec leurs alternatives.

Pouvons-nous être plus efficaces ?

Absolument, oui nous le pouvons. Nous devenons plus efficaces avec notre énergie. Selon le secteur, les mesures d’efficacité énergétique peuvent réduire la consommation d’énergie de 5 à 30 %. En réalité, les longs délais de récupération signifient que la mise en œuvre des mesures d’efficacité énergétique est faible, même si la hausse des prix de l’énergie encouragera davantage d’investissements.

Dans le secteur des transports, la consommation d’énergie par kilomètre a nettement diminué. Cela nous a simplement permis de voyager plus loin et plus souvent dans un nombre toujours plus grand de bateaux, de voitures et d’avions.

On peut donc continuer à acheter de nouvelles choses ?

Non. Notre capacité à produire de nouvelles choses dépend de la croissance économique qui est directement corrélée à la consommation d’énergie. Aujourd’hui, l’énergie est essentiellement d’origine fossile et émet du CO2. Le GIEC nous dit que le CO2 doivent diminuer de près de la moitié d’ici à 2030 pour avoir une chance de limiter la hausse des températures de la planète à 1,5°C. Les pressions environnementales et économiques convergentes imposeront une réduction de l’utilisation des combustibles fossiles et nous n’avons tout simplement pas la capacité de décarbonner notre bouquet énergétique assez rapidement.

Malgré toutes les promesses du contraire, les données empiriques nous indiquent que la fin de l’ère des produits jetables est proche. La production telle qu’elle est, ou était( ?), ne peut pas continuer.

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Le recyclage pourrait-il être la solution ?

Lorsque nous recyclons des matériaux, la phase d’extraction des matières premières est remplacée par d’autres étapes : collecte, tri et traitement. L’énergie requise pour ces étapes dépend du type de matériau et, dans certains cas, de la qualité de la matière première. Par exemple, la moitié de la consommation d’énergie de l’industrie du verre est utilisée pour la fusion afin de former le verre. Une fois que l’énergie utilisée pour la collecte, le transport et le traitement est prise en compte, le recyclage ne réduit la consommation d’énergie que d’environ 30 %.

L’aluminium, quant à lui, est relativement facile à recycler, alors que le papier peut nécessiter plus de traitement. Des matériaux comme le verre peuvent être recyclés indéfiniment alors que d’autres, comme le plastique, se dégradent à chaque fois qu’ils sont recyclés.

En général, la quantité d’énergie utilisée pour le recyclage est inférieure à celle nécessaire pour fabriquer de nouveaux produits à partir de matières premières, puisque les matériaux sont déjà raffinés. Le recyclage permet également de réduire l’utilisation d’autres ressources telles que l’eau et les terres, ainsi que la pollution due aux processus de raffinage et à l’élimination en fin de vie.

20 canettes en aluminium recyclées peuvent être fabriquées avec la quantité d’énergie nécessaire à la fabrication d’une nouvelle canette.
1 tonne de verre recyclé permet d’économiser 42 kWh d’énergie.
Le recyclage du papier utilise 60% de l’énergie nécessaire pour fabriquer du papier à partir de zéro.
1 tonne de plastique recyclé permet d’économiser 5 774 kWh d’énergie.

L’énergie requise pour le recyclage dépend du matériau

Les taux de recyclage de certains matériaux sont relativement élevés, par exemple 75% du verre en Europe est recyclé et environ 74% du papier. Bien que ces chiffres soient encourageants, si l’on adopte une vision plus global, nous voyons vite les limites:moins de la moitié de tous les déchets produits en Europe sont recyclés et au niveau mondial, seuls 9% des déchets plastiques sont recyclés (contre environ 15% en Europe).

Nous devons être plus ambitieux sur la gestion de déchets, il faut aussi repenser la conception et fin de vie de nos produits et soutenir les initiatives par la réglementation.

L’un des principaux défis du recyclage est la complexité des emballages et le nombre toujours plus important de matériaux qui les composent. C’est bien pour anticiper ce frein, qu’il est important d’y réfléchir dès la conception du produit et de son packaging.

L’entreprise a intégré la recyclabilité de ses ordinateurs portables dès leur conception, avec a gamme Latitude. Ces ordinateurs portables Latitude en plus d’être très résistants, ont été conçus pour être réparables et recyclables à 97%. L’ordinateur portable contient une batterie amovible, ne contient pas de substances nocives comme le mercure, n’utilise pas de colles ou d’adhésifs, est composé de modules et utilise des fixations standardisées.

Une fois que le produit a été pensé pour être réparé, réutilisé ou recyclé, il faut mettre en place des systèmes pour améliorer les taux de collecte

En France, la société nationale des postes s’est associée à une start-up pour proposer un nouveau service. La personne qui distribue le courrier peut partir avec le recyclage. Cela facilite la gestion des déchets pour les entreprises, optimise l’utilisation de la flotte de véhicules postaux et l’emploi des maitres.

La réglementation est essentielle pour encourager le recyclage, que ce soit sous la forme d’obligations de recycler ou de limitations de la mise en décharge.

Depuis 2012, la réglementation européenne exige une collecte de 85 % et un recyclage de 80 % des matériaux utilisés dans les panneaux photovoltaïques, en vertu de la directive sur les déchets d’équipements électriques et électroniques (DEEE). Les investissements et la recherche motivés par cette réglementation ont permis de créer une chaîne de valeur dans laquelle 95 % des modules PV à base de silicium peuvent être recyclés.

Lerecyclage peut manifestement réduire le besoin en énérgie et en ressources vierges. C’est d’ailleurs pour cette raison que de plus en plus d’entreprises et de territoires poussent cette pratique, mais le chemin est encore long.Les décideurs politiques doivent prendre conscience que relever les défis techniques, économiques et comportementaux de la chaîne du recyclage prendra du temps, et qu’il ne faut donc plus attendre pour les mettre en place.

Et si nous réutilisions et réparions ?

Si nous ne pouvons pas produire autant qu’avant, la quantité de biens en circulation (produits, composants et matériaux) réduit et donc l’allongement de la durée d’usage et l’optimisation deviennent une évidence. La réutilisation et la réparation pourraient donc devenir la norme et entraineraient l’évolution des modèles économiques; nous passerions de la vente du produit au service.

La fabrication étant limitée, nous devrons prolonger la vie utile de chaque objet et de ses éléments constitutifs. Nous repenserons la conception, l’utilisation des matériaux, les chaînes d’approvisionnement et les modèles économiques. Les plateformes de seconde main, les ateliers de réparation et les services mutualisés deviendront la norme.

… et le dernier R ? Réduire ?

Après avoir examiné nos options pour faire face à la crise énergétique, nous pouvons constater que nous pouvons prendre des mesures concrètes et positives. Nous devons cependant accepter que la somme de ces actions ne sera pas suffisante pour permettre à notre modèle de consommation actuel de se poursuivre dans les limites de la planète. Il y aura moins d’énergie disponible, et moins d’énergie signifie moins de choses. Moins de choses signifie que nous devons optimiser les choses que nous avons, mais cela signifie aussi, inévitablement, que nous devons réduire le nombre de choses que nous utilisons et possédons.

Comme Icare, nous avons volé trop près du soleil et nous sommes brûlé les plumes. Nous allons chutter et devons l’accepter. En revanche, libre à nous d’arrêter la chutte et de préparer la suite.

Nous pouvons attendre d’être forcés pour changer, dans quel cas nous allons enchaîner les chocs et être pris dans les conséquences de l’effet boule de neige avec pour conséquences la survie des plus riches à court terme, et l’effondrement de notre structure sociale à long terme.

Ou nous pouvons décider d’être proactifs pour mieux nous adapter. Nous pouvons mettre en œuvre des chaînes de valeur circulaires. Nous pouvons faciliter l’évolution des techniques et des comportements en faveur d’une économie régénératrice. Nous pouvons donner la priorité à l’équité et à l’égalité.Nous pouvons choisir la vie plutôt que les "trucs".

Maintenant, c'est à vous.

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